Nous avons tous déjà constaté combien il peut être bienfaisant de s'exprimer.
Cela permet d'accéder à un sentiment d'harmonie et de bien-être qui se manifeste même dans nos sensations physiques.
"Le poids que je sentais sur mes épaules a disparu.
La compression que je ressentais à la gorge ou à la poitrine s'est dissoute comme par magie".
Il est évident qu'une telle expression comporte en soi son propre bénéfice.
Les psychologues humanistes estiment qu'il est primordial d'être habile à reconnaître son expérience à travers ses sensations; il est important d'être attentif aux réactions de son corps, à ses points de tension.
Être à l'écoute de ces sensations est important, car ce sont ces indices
physiques qui nous donnent accès aux émotions qui y sont liées.
C'est en me servant de ces données (sensations et émotions) que je peux identifier clairement mes besoins.
L'estime de soi:
1. Une définition
L'estime de soi est le résultat d'une autoévaluation. Il s'agit en quelque sorte d'un baromètre révélant dans quelle mesure nous vivons en concordance avec nos valeurs. L'estime de soi se manifeste par la fierté que nous avons d'être nous-même et repose sur l'évaluation continue de nos actions. Que nous en ayons conscience ou non, l'évaluation que nous faisons de nos comportements nous atteint toujours.
À chaque action
subjectivement importante, nous émettons un verdict à peu près dans ces
termes: "ce que je fais est valable à mes yeux" ou "ceci n'est pas
valable". Dans le premier cas, l'action me valorise, alors que dans
l'autre cas, je suis dévalorisé à mes yeux. De plus, cette appréciation
s'inscrit immédiatement en mémoire et s'attache au concept de soi.
Je camoufle la vérité pour éviter une discussion, alors que je suis pour
la transparence. Je ne suis pas fière de moi et je baisse dans mon
estime.
J'ose donner mon opinion devant tous ces gens que je sais
plus compétents que moi parce que j'expérimente de prendre ma place. Je
monte dans mon estime.
Ainsi, l'estime de soi est une valeur fragile
et changeante. Elle augmente chaque fois que nous agissons en
respectant nos standards et diminue chaque fois que notre comportement
les contredit. Il est donc possible qu'elle soit très haute ou très
basse selon les périodes de notre vie.
Je suis alcoolique, tout à
fait conscient d'éviter de faire face aux vraies questions de ma vie.
Mon estime de moi est si faible que pour l'oublier je bois davantage.
J'ai abandonné la bouteille pour affronter mes problèmes. Je suis
maintenant une personne qui fait face à sa réalité. Mon estime de moi a
grandi; je suis énormément fier.
L'importance de l'estime de soi pour la qualité de vie
1. Favorable à l'actualisation
Une
bonne estime de soi facilite l'actualisation de notre potentiel comme
être humain. Celui qui s'estime a tendance à mettre ses aspirations de
l'avant et à se développer. Au contraire, l'individu dont l'estime est
faible peut facilement renoncer à repousser ses limites.
Souvent il
n'a pas confiance d'en être capable mais d'autre fois, il s'abstient de
voir grand pour sa vie parce qu'il a l'impression de ne pas le mériter.
Il se trouve alors dans un cercle vicieux dont il ne découvre pas
toujours l'issue.
2. Attrait pour des semblables
Nous recherchons intuitivement la compagnie de personnes dont l'estime de soi est comparable à la nôtre. Si elle est élevée, la relation devient source de stimulation pour "aller plus loin". Dans le cas inverse, nous pouvons mutuellement nous "tirer vers le bas". Par exemple, une faible estime nous prédispose à tolérer d'être traité avec peu de respect et subir un tel traitement entraîne inévitablement une chute de l'estime de soi. Au contraire, une estime de soi plutôt forte va de pair avec un respect pour soi-même et dans ce cas, nous refusons l'irrespect sous quelque forme que ce soit. Et nous recherchons la compagnie de personnes pour qui nous avons de la considération et qui sont capables de reconnaître notre valeur.
3. Une base pour une relation épanouissante
L'estime
de soi influence aussi la relation amoureuse. Il est difficile de
croire en l'amour de l'autre quand notre opinion de nous est négative.
Il nous arrive donc de contester les manifestations amoureuses et même
de mépriser l'amant qui nous exprime son amour ou son désir. À nos yeux,
en effet, il n'y a qu'un être de peu de valeur qui puisse s'attacher à
une personne aussi insignifiante que nous. À cause de cela, nous
choisissons souvent des personnes dont l'amour est difficile (sinon
impossible) à gagner, convaincu que notre réussite serait la preuve de
notre valeur. Mais ces tentatives échouent la plupart du temps.
La
relation amoureuse entre deux personnes dont l'estime est solide a de
meilleures chances de réussir. D'abord parce que l'estime est un des
ingrédients importants de l'amour. Or il y a de fortes chances pour
qu'une personne qui s'estime le soit également par ceux qui partagent
ses valeurs, comme c'est souvent le cas dans les relations amoureuses.
De plus, l'estime d'un partenaire aussi important constitue une
nourriture affective d'une richesse sans pareille. Enfin, la sécurité
personnelle qui découle de l'estime de soi peut faciliter le dénouement
des problèmes de la vie intime. La personne est moins facilement menacée
et elle devient plus rarement défensive.
Avec une telle base, les
amants peuvent se consacrer à leur développement et à celui de leur
relation. Ils sont aussi à même de supporter l'autre dans sa quête
d'épanouissement. Ils consomment moins d'énergie à rechercher la
sécurité et la confirmation de leur valeur dans les yeux de l'autre.
4. Gage de réussite
Par
ailleurs, une forte estime de soi favorise la réussite. Elle aide à
prendre des risques, à chercher des solutions innovatrices, à faire
preuve de ténacité et de persévérance. Ces attitudes mènent souvent à la
victoire qui, à son tour, alimente à la fois la confiance et l'estime.
D'autre part, la multiplication des succès permet de supporter des
échecs qui seraient catastrophiques pour une personne à l'estime
fragile.
Plus mon estime de moi est élevée et plus je puis voir
grand pour ma vie. À mes yeux, je mérite de réussir ce que
j'entreprends; c'est pourquoi je n'hésite pas à y consacrer les efforts
nécessaires.
Cette attitude m'attire plusieurs succès qui me
permettent de confirmer ma confiance dans ma capacité de réussir. Cette
confiance acquise, les échecs ne sont plus des abominations à éviter
mais des erreurs de parcours desquelles je tire profit.
À l'inverse,
si mon estime est faible, je ne suis pas porté à viser haut pour ma
vie. Mes entreprises et mes projets avortent par manque de ténacité. Je
ne possède pas cette force qui me pousserait à obtenir ce que je
recherche en croyant que j'en vaux la peine. Mon manque de persévérance
est souvent responsable de mes échecs et au bout du compte de mon manque
de confiance dans mes capacités. À cause de la mauvaise opinion de moi
qui en résulte, je me contente de relations peu nourrissantes (et
souvent contribuent à me dévaloriser davantage), d'un travail qui ne me
permet pas de me développer, d'une vie en deçà de mes rêves...
C. Une autoévaluation préparatoire
En résumé, il n'est heureusement jamais trop tard pour augmenter,
construire ou rebâtir l'estime de soi. Et il n'est pas nécessaire
d'entreprendre une longue psychothérapie pour y arriver. Il est toujours
à notre portée de la rehausser et de la conserver à un niveau élevé.
Mais pour entreprendre cette reconstruction de notre estime, il est
préférable de savoir sur quels aspects nous aurons à travailler. Un
diagnostic de notre situation actuelle est nécessaire afin d'orienter
nos efforts. Cette section permettra de faire cette évaluation
personnelle en fournissant les outils nécessaires.
A quoi servent les émotions?
Souvent, il nous arrive de considérer nos émotions comme des obstacles,
des erreurs ou des faiblesses. Nous cherchons alors à les contrôler et à
les empêcher de se manifester.
Par exemple, au moment où je
m'adresse à la personne qui m'intéresse le plus, je deviens nerveux et
tendu. Bien sûr, je considère que c'est le pire moment pour être nerveux
! Je voudrais être à mon meilleur pour l'impressionner, mais au lieu de
ça je rougis, je bafouille et je perds mes idées.
Je n'aurais
aucune objection à devenir énervé plus tard, seul chez moi. Ça ne me
dérangerait pas du tout! Mais maintenant toutes ces réactions me nuisent
en m'empêchent de faire ce que je veux, justement au pire moment.
Il est certain que je ne m'énerverai pas chez moi. Il n'y a rien là pour
m'énerver. En fait, c'est précisément au bon moment et au bon endroit
que je deviens tendu et que je rougis. Cette affirmation vous surprend ?
Encore quelques pages et vous comprendrez pourquoi elle est
parfaitement vraie.
Pourquoi avons-nous des émotions ?
Essentiellement,
toutes nos réactions émotives sont là pour nous aider à nous adapter à
chaque situation de notre vie. Elles servent à nous permettre de tirer
le plus de satisfaction possible de chaque moment et d'éviter les
obstacles et les dangers qui se trouvent sur notre chemin. C'est un peu
comme un système de guidage très sophistiqué qui nous amène à notre
principale destination: la satisfaction de nos besoins. On s'émerveille
parfois devant le système de sonar dont se servent les dauphins pour se
guider. Avec notre système émotif, nous n'avons rien à leur envier, bien
au contraire !
Par exemple, la peur déclenche en nous des réactions
physiques qui nous aident à faire face au danger plus efficacement.
Notre vision devient plus précise, nos réflexes plus vifs, nos muscles
plus forts et nous sommes moins sensibles à la douleur. Nous avons alors
tout ce qu'il faut pour mieux réagir au danger en combattant ou en
fuyant efficacement.
On voit souvent, dans de telles situations, des
personnes qui accomplissent des choses dont elles seraient normalement
incapables. Les athlètes en sont bien conscients et ils tentent de s'en
servir pour atteindre des performances supérieures, en mettant cette
intensité au service de leurs objectifs.
En fait, nos émotions sont
la partie la plus importante de notre système de guidage: elles
fournissent l'information nécessaire et les indices pour la rendre
utilisable. En effet, nos sentiments et nos émotions nous informent
continuellement sur la situation dans laquelle nous sommes et sur notre
état intérieur. Plus précisément, cette vie émotive nous renseigne sur
l'effet des événements et de nos propres actions sur notre équilibre
intérieur.
À chaque moment, mes réactions émotives m'indiquent dans
quelle mesure mes besoins sont satisfaits ou insatisfaits Elles me
montrent jusqu'à quel point la situation ou les événements me
conviennent vraiment.
Lorsque nous pensons aux émotions de ceux qui
nous entourent, cette réalité nous apparaît plus évidente. Par exemple,
si mon ami devient triste pendant que je parle, je sais immédiatement
que ce que je viens de dire ne correspond pas à ce qu'il voudrait. De
même, si ma conjointe se fâche, il m'apparaît évident qu'elle considère
ce que je disais comme un obstacle à sa satisfaction.
Pourtant,
lorsque nous pensons à nos émotions, il arrive souvent que nous soyons
moins clairvoyants. Nous serons portés à considérer notre tristesse non
pas comme un signe important à considérer, mais comme une faiblesse
relativement inacceptable. De même, nous traitons souvent notre colère
comme un manque de maîtrise et non comme une énergie utile pour vaincre
un obstacle sérieux.
Parfois, il nous arrive d'accuser les autres
d'avoir des réactions émotives excessives. Mais là encore, il est facile
de déceler le motif de cette évaluation: nous considérons la réaction
de l'autre comme trop forte ou trop émotive lorsqu'elle dérange notre
démarche, lorsqu'elle nuit à l'atteinte de nos objectifs. Personne
n'accuse un autre de l'aimer trop fort à moins d'être en train de
chercher à s'éloigner de cette personne. Ce n'est pas sa recherche de
satisfaction que nous dénonçons alors, c'est la difficulté
supplémentaire qui en résulte pour notre séparation.
Des messages précis
Les
deux exemples ci-dessus illustrent un aspect supplémentaire important:
chaque émotion ou sentiment nous donne un message précis à propos de
notre équilibre intérieur. Ainsi, la colère nous indique que notre
organisme a décelé la présence d'un obstacle. De même, la tristesse est
présente lorsque nous subissons une perte ou lorsque nous souffrons d'un
manque. La liste des exemples serait longue, car chaque sentiment est
porteur d'un message particulier.
Heureusement, il n'est pas
nécessaire de nous promener avec un manuel de traduction pour connaître
le sens particulier de chacun, il suffit d'y être soigneusement attentif
et de le ressentir complètement. Si je suis réceptif et curieux devant
les sentiments et les émotions qui apparaissent dans mon monde
intérieur, il est assez facile d'en comprendre les messages.
Mais
par contre, si je m'objecte et si je considère ces réactions comme peu
appropriées, cela ne les empêchera pas d'exister, mais leur
signification ne pourra devenir claire. En fait, mes sentiments
commenceront alors à prendre des formes différentes qui refléteront non
seulement le déséquilibre initial, mais également les déséquilibres
supplémentaires qui apparaîtront à partir du moment où je repousserai
mon sentiment.
Ça semble bénin: je ne fais que repousser un
sentiment. Mais en fait, c'est la première marche de la descente aux
enfers. Comme nous allons le voir, c'est le premier pas vers une
profonde aliénation et une multitude de problèmes en tous genres.
Et
c'est le début des complications! Les frustrations s'accumulent et les
sentiments deviennent plus intenses, tellement que j'en viens facilement
à les considérer comme disproportionnés. Mon émotion reflète alors non
seulement ma réaction à l'événement particulier à l'occasion duquel elle
se manifeste, mais également ma frustration accumulée dans plusieurs
autres situations analogues. Ma réaction est trop forte pour la
situation présente, mais elle est exactement de la bonne intensité pour
s'adresser à l'ensemble des situations auxquelles j'ai refusé de réagir.
Et c'est justement ce que je fais maintenant: je réagis à toutes ces
situations à la fois. C'est la deuxième marche, plus glissante que la
première, celle où j'accumule les frustrations.
L'exemple le plus
fréquent de cette accumulation, c'est celui où on a l'impression d'être
comme une bombe. Par exemple, on n'en peut plus de se laisser mener par
le bout du nez, on s'en veut d'être incapable de dire non, on en a marre
de se laisser traiter comme si on n'était rien. C'est alors comme une
impossibilité physique: plus rien ne passe, on est tout simplement
incapable d'accepter une frustration supplémentaire. La coupe est
pleine, comme on dit!
Mais encore là, tant que mes émotions
demeurent vivantes, tout n'est pas perdu. Je considère peut-être que mes
réactions sont exagérées, mais elles continuent à m'indiquer le chemin à
suivre. Il est encore assez facile de les écouter et d'en tenir compte;
il suffit que je le décide. Ça prend un peu de courage pour faire face à
la question qu'on évite depuis un certain temps, mais c'est encore
relativement facile. C'est l'étape suivante qui est vraiment dangereuse:
celle où je parviens à étouffer mes émotions, à les empêcher de
ressortir de temps à autre.
Les émotions étouffées sont coûteuses
C'est
ce qui arrive souvent dans les relations de couple insatisfaisantes: je
suis de plus en plus insatisfait, mais je crois de moins en moins à la
possibilité de parvenir à une solution. Alors, plutôt que de continuer à
ressentir la colère qui monte en moi et qui pourrait servir à briser le
cercle vicieux, je choisis de l'étouffer. Je ne veux plus faire de
scènes inutiles, je ne crois plus qu'il est utile de soulever encore une
fois le problème pour arriver toujours à la même impasse, je ne veux
pas d'une violente querelle devant les enfants, je trouve moins fatigant
de bouder ou de boire... Tous les prétextes peuvent servir et chacun
comporte une part de vérité, mais le résultat final est toujours le
même: je choisis de m'éteindre. C'est la troisième marche de la descente
vers la perte de soi.
Et ce choix, on le paye chèrement! Le premier
et le plus grave prix à payer, c'est une forme d'indifférence
intérieure: on ne souffre plus vraiment, on ne réagit plus tellement, on
est comme neutre. Et ce n'est pas seulement avec la personne devant
laquelle on étouffe ses réactions, c'est un peu partout. Cette
indifférence s'étend comme une tache d'huile. En fait, on est
psychologiquement ou émotivement mort! Comme un mort, on n'a plus de
réaction et nos réflexes disparaissent, même ceux qui servent à la
survie. Un mort n'a pas besoin de réflexes de survie!
Bien sûr, on
peut se donner l'illusion de demeurer vivant: on se passionne pour le
football, on plonge à fond dans le travail, on s'absorbe dans un hobby
accaparant, on investit tout dans un enfant ou un chat. Mais du point de
vue de nos besoins psychologiques les plus importants, c'est la
démission, avec la nostalgie ou l'amertume qui suivent de près.
Si
cette indifférence émotive apparente dure trop longtemps, on glisse vers
la quatrième marche: celle où des indices secondaires accaparent notre
attention. Plusieurs maux nous guettent alors: dépression, angoisse,
phobies, stress, migraines, maux de dos. Tous ces problèmes découlent de
notre capitulation ou de notre aveuglement volontaire. Ce sont les
résultats directs de nos façons de fuir, de nous engourdir, d'éviter de
voir ou de savoir ce qui ne va pas.
Tout comme les émotions et les
sentiments du début, ces réactions sont les indices de notre organisme
pour attirer notre attention sur des manques importants par rapport à
nos besoins principaux. Mais cette fois, les indices sont beaucoup plus
difficiles à décoder. Premièrement, parce qu'ils sont très indirects:
les réactions saines (sentiments et émotions) se sont transformées en
problèmes (symptômes) qui empirent encore la situation. Deuxièmement,
les nouveaux indices sont difficiles à utiliser parce qu'il s'agit de
problèmes qui exigent des solutions supplémentaires. En accaparant notre
attention, ces problèmes la détournent du manque de satisfaction qui
persiste et nous empêchent d'y remédier. Il devient donc difficile de
s'attaquer à la cause réelle de nos maux, car elle est cachée derrière
un mal qui prend de plus en plus de place.
Les fausses réponses aux besoins
Souvent,
à cette étape, on commence à s'inquiéter. Les symptômes nous alarment
et nous cherchons à comprendre ce qui ne va pas. C'est la solution la
plus saine, mais aussi la plus exigeante. Si nous parvenons à ne pas
nous laisser distraire par les problèmes secondaires, il est possible de
remonter la pente.
Mais il arrive très souvent que cette inquiétude
débouche sur une nouvelle forme d'évitement: la recherche de
satisfactions compensatoires. C'est la cinquième marche d'un escalier de
plus en plus glissant. Par exemple, on peut se faire illusion en
recherchant l'admiration ou l'attention constante de notre entourage, en
cherchant à accumuler l'argent ou le pouvoir, en s'impliquant dans des
guerres interminables ou dans de folles aventures amoureuses.
Dans
ce cas, les indices de notre malaise deviennent encore plus difficiles à
reconnaître. Comme il nous semble normal d'être anxieux avant de donner
un spectacle, dans une situation de conflit, en tentant de conquérir
une personne ou un groupe, il est difficile de reconnaître le signal
d'alarme plus fondamental que nous donne notre organisme. On ne voit
plus que le malaise réel vient de notre profonde insatisfaction, car nos
joies et nos difficultés ponctuelles nous la dissimulent. L'excitation
cache la frustration et tente en vain de remplacer la satisfaction.
Et alors, on devient insatiable: la recherche d'attention, de pouvoir,
d'argent ou d'admiration est interminable parce que le besoin qu'on
cherche à combler n'est pas le bon. C'est comme si on était devenu
dépendant d'une drogue: le besoin augmente à l'infini. Mais ces paradis
artificiels sont remplis d'illusions et de cruelles déceptions: toute
l'admiration au monde ne vaut rien pour nourrir émotivement la personne
qui a besoin d'être aimée! Quelques suicides de vedettes trouvent ici un
sens nouveau.
Les complications physiques
Mais alors, les
problèmes deviennent encore plus graves et plus insidieux. C'est notre
corps qui devient la voix de nos besoins: ulcères, troubles cardiaques,
maladies de la peau, insomnie et plusieurs autres troubles physiques
apparaissent comme des cris d'alarme de notre organisme qui n'en peut
plus. C'est la sixième marche: les symptômes nous indiquent qu'il s'agit
d'une situation grave et urgente. Mais aurons-nous le courage, cette
fois, d'y être attentifs? Pourquoi maintenant?
Plusieurs personnes
entreprennent une démarche pour s'attaquer au problème lorsqu'elles sont
rendues à ce stade. Souvent, elles iront chez le médecin dans l'espoir
d'une solution physique simple. Un médicament, une chirurgie, un
programme de conditionnement physique, une diète, ou même de la
physiothérapie apparaissent alors comme des solutions désirables.
Elles sont vivement déçues lorsque leur médecin leur parle de stress, de
burnous, de dépression et de l'importance de traiter le côté
psychologique de leur vie. Elles restent longtemps sceptiques devant le
psychologue qui tente de les aider à voir combien leur vie a besoin d'un
réajustement, combien leur couple est un poids, combien il leur faudra
changer leur façon de vivre pour arriver à une solution.
Souvent, à
ce stade, ce n'est même plus une question d'avoir le courage de regarder
le problème en face. D'une part, on est convaincu qu'il s'agit d'un
problème physique auquel il faut des solutions physiques. D'autre part,
on est alors tellement mêlé et confus qu'on désire vivement s'en
remettre à quelqu'un d'autre pour identifier le problème et la solution.
On a renoncé à se comprendre et on cherche partout les promesses d'un
mieux-être.
Le médecin nous dit: "c'est psychologique", "c'est entre
les deux oreilles". Mais c'est révoltant, car le mal est réellement
présent, on le ressent vraiment. Il est tentant alors de consacrer son
énergie à prouver au médecin qu'il se trompe, que le problème existe
vraiment, qu'il ne s'agit pas d'une maladie imaginaire! Dans un premier
temps, on ira chercher l'opinion d'un deuxième médecin, puis d'un
troisième... Par la suite, on en viendra à faire appel à tous ceux qui
nous promettent une guérison ou au moins une compréhension de notre
situation: guérisseurs, conférenciers et livres de psychologie
deviennent alors nos voies de solution. Oui, même la lettre du psy peut
être une fausse solution remplie d'illusion.
Le chemin vers le marasme
En
résumé, on peut comparer ce cheminement à un escalier qui descend vers
le marasme psychologique. C'est le passage dangereux qu'on emprunte si
on refuse de prendre nos sentiments et nos émotions au sérieux et si on
refuse de tenir compte des messages qu'ils véhiculent. Cet escalier très
glissant nous invite à continuer toujours vers le bas; seul un choix
volontaire, appuyé sur une bonne compréhension des forces en jeu, peut
nous permettre de rebrousser chemin vers une vie saine et satisfaisante.
Voici un résumé des étapes de ce cheminement néfaste. Le fait de le
connaître et de savoir déceler où nous en sommes sur cette voie est déjà
un élément de solution.
- Contester, repousser ou contrôler le sentiment ou l'émotion.
- Accumuler les frustrations, émotions 'excessives'.
- L'élimination des indices (indifférence).
- Les réactions secondaires (angoisse, phobie, stress, dépression).
- Les satisfactions illusoires et compensatoires.
- Les problèmes et solutions physiques.
- La tournée des médecins et des 'gourous'.
Comment renverser la vapeur
Comme
pour tous les genres de problèmes, les solutions sont relativement
faciles et efficaces si on s'y prend tôt. Par contre, si on laisse la
situation dégénérer, il faut plus de temps et des moyens plus puissants
pour arriver à en sortir. Dans un autre article, nous examinerons en
détail les moyens à utiliser ainsi que les obstacles qui se présentent
lorsqu'on entreprend de s'en servir. Pour le moment, jetons un coup
d'œil sommaire sur les genres de solutions qui sont nécessaires aux
diverses étapes de ce cheminement vers le marasme.
Il est assez
facile de renverser la vapeur si on en est encore aux premières marches.
Un désir réel d'être attentif à ses sentiments et d'en tenir compte est
suffisant pour la personne qui est encore à la première marche. Avec en
plus un peu de ténacité et le courage d'affronter ses difficultés de
vie, on a les ingrédients suffisants pour remonter à la surface à partir
de la deuxième marche. Il ne faudrait pas s'étonner cependant de
rencontrer quelques difficultés. Il ne semble pas normal, au début, de
prendre le temps de vraiment ressentir nos sentiments et nous pouvons
avoir de la difficulté à tolérer l'intensité qu'on découvre dans nos
émotions.
À la troisième et la quatrième marche, ça devient déjà
plus difficile. On a besoin, en plus des moyens ci-dessus, d'outils
spécifiques. Il faut des connaissances précises sur ce que nous avons
appelé plus haut les réactions secondaires (angoisse, phobie, stress,
dépression) ainsi que sur les méthodes qu'on utilise pour se rendre
insensible. Des textes comme ceux de la lettre du psy peuvent être ici
d'un grand secours en aidant à comprendre ce qui se passe. Mais en plus
de ces connaissances, il faut des moyens concrets pour renouer avec sa
sensibilité. Des outils d'exploration comme le journal de bord et la
respiration sont nécessaires pour y parvenir par soi-même. Il faut tout
un arsenal de ce genre d'outils pour remonter efficacement la pente.
À compter de la cinquième marche, il n'est pas réaliste de croire qu'on
parviendra à rebrousser chemin sans une aide professionnelle. Un
psychologue spécialisé en psychothérapie est souvent la meilleure
ressource pour aider à en sortir. Mais ce n'est pas n'importe quel
psychothérapeute qui fait l'affaire: il faut un spécialiste qui accorde
une place prépondérante à la vie émotionnelle.
Le professionnel
approprié peut fournir non seulement des connaissances et des outils
pratiques qui aident à se reprendre en main, mais il peut fournir
également un support essentiel pour mener la démarche à terme. En tant
que spécialiste des phénomènes émotifs, il est capable d'aider à
reconnaître les dimensions de la vie intérieure qui sont cachées
derrière des symptômes physiques.
Un psychothérapeute d'orientation
humaniste ou psycho dynamique fait habituellement une place importante à
la conscience, à la subjectivité et aux phénomènes émotifs, non
seulement dans sa compréhension des problèmes psychiques, mais également
dans sa façon d'intervenir sur ceux-ci. Il sera donc la plupart du
temps un choix judicieux pour la personne qui veut récupérer son
expérience intérieure avec les indices et les guides d'adaptation
qu'elle comporte.
D'autres psychothérapeutes centrent leur
intervention directement sur le problème dont la personne souffre.
Généralement, ils appartiennent à des approches béhavioristes ou
cognitives. Leur but se limitant à résoudre aussi rapidement que
possible le problème pour lequel la personne consulte, ils ne font pas
une place importante à la conscience et à la vie intérieure. Le travail
ira normalement dans une direction différente de celle que je présente
ici et ne permettra pas le retour à une vie émotive plus consciente et
mieux utilisée.
La prévention est le meilleur remède
L'espace
manque ici pour expliquer le cheminement qui permet de remonter à la
surface vers une vie satisfaisante et psychologiquement saine. Nous y
reviendrons dans un autre article.
En attendant, il reste la
possibilité d'utiliser des connaissances et des outils comme ceux que
nous présentons ici. Ils doivent, pour cela, être utilisables
efficacement par chacun dans les situations ordinaires de sa vie. En
comprenant mieux les mécanismes et les phénomènes en jeu, on peut
dénouer bon nombre d'impasses. En utilisant des façons de procéder qui
aident à mieux ressentir ses émotions, on se procure les moyens de se
guider dans des directions productives.
Mais la meilleure solution
demeure la prévention: prendre ses sentiments et ses émotions au
sérieux, les considérer comme des indices importants et en tenir compte
pour choisir ses actes. En s'inspirant de ces trois principes, on
s'assure de mener une vie psychologiquement saine et, par conséquent, de
ne pas s'enliser dans des problèmes qui iront en s'aggravant. Cet
effort de conscience nous permet de nous réajuster rapidement lorsque
nous nous trompons et nous aide à percevoir plus clairement nos succès.
De cette façon, nous permettons à nos émotions de jouer leur véritable
rôle, celui de guide sûr vers la satisfaction de nos besoins les plus
importants et la réalisation de nos aspirations, même au quotidien.
L'expression qui s'épanouie:
Nous avons tous déjà constaté combien il peut être bienfaisant de
s'exprimer. Ça permet d'accéder à un sentiment d'harmonie et de
bien-être qui se manifeste même dans nos sensations physiques. Le poids
que je sentais sur mes épaules est disparu. La compression que je
ressentais à la gorge ou à la poitrine s'est dissoute comme par magie.
Il est évident qu'une telle expression comporte en soi son propre
bénéfice.
Les psychologues humanistes estiment qu'il est primordial
d'être habile à reconnaître son expérience à travers ses sensations; il
est important d'être attentif aux réactions de son corps, à ses points
de tension. Être à l'écoute de ces sensations est important, car ce sont
ces indices physiques qui nous donnent accès aux émotions qui y sont
liées. C'est en me servant de ces données (sensations et émotions) que
je peux identifier clairement mes besoins.
Par exemple: ce matin,
avant de partir pour le travail, je remets mon article sur l'expression à
mon conjoint, et je lui dis que j'aimerais bien qu'il me fasse part de
ses commentaires. En fin de journée, je reviens à la maison. Nous
échangeons brièvement sur le "vécu" de la journée. Tout à coup je
commence à me sentir triste et déçue, sans savoir à quoi je réagis. Je
m'arrête pour ressentir ma tristesse et ma déception.
Assez
rapidement je constate que cette tristesse a un sens précis: je suis
déçue que mon conjoint ne me parle pas de mon article. J'imagine alors
que ce n'est par très important pour lui. J'en suis bien déçue et peinée
parce que je tiens à être reconnue et appréciée dans mon travail,
particulièrement par lui.
Pour répondre adéquatement aux besoins que
j'identifie il est essentiel de poser les actions adéquates. Dans
l'exemple ci-dessus, il est très important d'identifier ma tristesse et
ma déception. Cependant, si j'en reste là, ces émotions nuiront tôt ou
tard à ma relation avec mon conjoint. Cet événement contribuera à
développer ce que Michelle Larivey appelle "Les noeuds dans nos
relations". Mon propre niveau de satisfaction et de bien-être personnel
en sera également affecté.
C'est ici que l'expression épanouissante
prend tout son sens. Il s'agit d'une forme d'action privilégiée qui
permet d'affirmer et de communiquer nos besoins et ainsi de parvenir à
les satisfaire. Dans l'exemple ci- haut, il est bien important de faire
part de mon besoin à mon conjoint. Mais ce n'est pas pour qu'il accepte
de le prendre en charge. La raison principale de cette expression c'est
que le fait d'en parler est déjà une façon d'y répondre en me donnant
l'importance que je recherche.
Tenir compte de ce besoin en le
prenant en charge complètement dans les différentes étapes de mon
processus est une façon concrète de m'assumer. Lorsque je m'ouvre ainsi,
je m'épanouis en me montrant totalement moi-même: à la fois vulnérable
et affirmative de mes besoins. J'ose sortir de l'image protectrice que
je m'étais bâtie pour me montrer authentique et vivre "au grand jour",
en toute liberté!
Qu'est-ce qui fait qu'une expression peut
parfois être épanouissante et nous permettre de nous assumer alors qu'à
d'autres moments, nos expressions sont inutiles ou même nuisibles?
Voici deux exemples qui illustrent ces situations.
1. L'exemple d'une expression épanouissante: Les amies Juliette et Lucie
Ce
sont des amies intimes. Lucie est très expressive et extravertie.
Juliette est plutôt l'opposée de Lucie; c'est souvent elle qui écoute.
Mais elle suit depuis quelques mois une thérapie dans laquelle elle
apprend à s'affirmer davantage et s'aperçoit que le fait que Lucie
prenne autant de place dans leur relation la frustre de plus en plus.
Elle constate avec tristesse que ce sentiment de frustration l'éloigne
graduellement de son amie.
Elle décide alors de parler à Lucie de
son insatisfaction et de son désir d'être écoutée. Lucie se montre
réceptive et compréhensive. Juliette aussi demeure ouverte aux réactions
de Lucie qui lui exprime sa déception devant le fait qu'elle est
souvent peu expressive.
La tendance de Lucie à prendre beaucoup de
place ne sera pas changée instantanément par cette mise au point.
Cependant, la détermination de Juliette à prendre plus de place et sa
façon claire de le faire savoir lui permettra d'être plus satisfaite par
rapport à ce besoin. On peut dire que cette expression aura eu un effet
épanouissant pour Juliette
2. L'exemple d'une expression destructrice: Les frères Pierre et Richard
Deux
frères Pierre et Richard ont été partenaires dans une usine de meubles
pendant cinq ans. Pour diverses raisons, ils décident de mettre fin à
leur association et Pierre demeure seul propriétaire de l'entreprise.
Cependant Richard continue de se comporter comme s'il en faisait encore
partie. Il se sert de l'atelier en dehors des heures de travail, sans en
informer Pierre. Et lorsque celui-ci décide de faire des heures
supplémentaires, il est confronté au fait que son atelier est occupé.
Richard de plus, continue de facturer l'huile pour l'usage de sa
résidence, au nom de l'entreprise.
Pierre est bien en colère par
rapport à ces comportements qu'il trouve injustes. Mais il refoule ses
sentiments parce qu'il ne sait pas trop comment le dire, parce qu'il
tient à ne pas faire de chicane. Surtout, il craint de déplaire à son
père et aussi d’être rejeté par lui. Car son père a toujours proclamé
bien haut, "qu'une famille, ça ne se chicane pas!"
Mais un jour,
alors que Pierre arrive à son atelier pour y travailler et que Richard
s'y est installé avant lui, sans le prévenir encore une fois, il éclate!
N'en pouvant plus après toutes ces années de frustrations accumulées,
il se vide le coeur en insultant Richard et en le traitant de tous les
noms! Richard répond sur le même ton: il fait à son frère tous les
reproches qu'il a accumulés à son endroit depuis leur association. Et il
dévoile même les véritables raisons de son abandon de l'entreprise, et
pourquoi il continue de profiter de l'atelier à son insu.
Après deux
heures d'une intense bataille verbale, chacun des deux frères se
retrouve déçu et blessé. Même s'ils se sentent aussi soulagés et libérés
d'avoir enfin parlé! La seule possibilité qui reste alors c'est la
rupture, au moins temporaire. Car chacun se retrouve trop souffrant et
en colère pour prendre le risque d'être blessé à nouveau et peut-être
aussi d'éclater encore. Et Pierre reste bien inquiet de la réaction de
son père, lorsqu'il apprendra ce qui s'est passé entre ses deux fils.
Nous avons ici un exemple d'une expression destructrice
Qu'est ce
qui fait que dans un cas on assiste à une expression épanouissante alors
que dans l'autre c'est un échec total? Dans l'exemple qui tourne mal,
il s'agit d'un type d'expression qui vise surtout un soulagement. Le
souci de s'assumer est tout à fait absent. Chacun a plutôt tendance à
rendre l'autre responsable de ses frustrations et il cherche à s'en
libérer en blâmant l'autre. C'est tout le contraire de ce que les amies
Juliette et Lucie ont fait.
Le but de cet article est justement
d'expliquer comment on peut s'exprimer d'une façon épanouissante. Il
permettra de comprendre les principes à respecter pour y arriver. Quoi
dire? A qui le dire? Comment le dire? Comment garder l'ouverture
nécessaire pendant l'expression?
Avant de répondre à ces questions
cependant, il m'apparaît important de clarifier le fondement principal
sur lequel repose l'expression épanouissante: la capacité de s'assumer.
Pour rendre cette explication plus concrète, revenons à l'exemple des
deux amies.
Ça veut dire quoi s'assumer
On peut considérer que Juliette a réussi à s'assumer, car:
1.Elle a identifié son sentiment de frustration, son agacement devant
la grande place que prend son amie dans la relation et devant le peu de
place qui lui reste.
2.Elle a reconnu et exprimé son besoin d'être entendue et écoutée par Lucie.
3.Elle a reconnu ce besoin comme important et légitime, assez pour s'en occuper activement en en parlant à son amie.
4.Elle a montré son insatisfaction à son amie, au risque qu'elle se fâche, lui en veuille ou même la rejette.
Une
telle démarche permet à Juliette de se respecter dans toute son
intégrité. C'est ce qui contribue à la garder vivante. Elle fait alors
le choix de répondre efficacement à ses besoins, quitte à ne pas
correspondre à l'image que son amie a d'elle.
A quoi lui servira
d'être aimée si, pour avoir cette appréciation, elle doit renier ce
qu'elle est? Juliette est convaincue qu'elle ne sera bien dans cette
relation que dans la mesure où elle saura se respecter et chercher à
être satisfaite, autrement dit: s'assumer.
Voyons quelles seraient
les conséquences pour Juliette si, incapable de s'assumer, elle avait
choisi de se taire? D'abord, sa propre vitalité, c'est à dire sa
capacité à rester vivante et ouverte à la vie qui se déroule en elle, en
serait affectée, tôt ou tard, au moins dans cette relation. Ou bien
elle s'éloignerait petit à petit de son amie, ou bien elle continuerait
de subir ces frustrations en "ravalant" ou en exprimant son agressivité,
sur différents sujets qui n'ont pas de rapport avec l'origine de ce
sentiment.
Sa relation avec Lucie serait de plus en plus
insatisfaisante. De plus, si c'est sa façon habituelle de réagir devant
les conflits qu'elle rencontre, c'est l'ensemble de sa vitalité qui en
serait affectée. A plus long terme, il serait possible qu'elle développe
des symptômes de dépression. Car dans ce type de réaction deux éléments
sont importants. L'origine de la dépression est souvent due à une
mauvaise gestion des besoins de même que le signe du refoulement de
l'agressivité. Mais heureusement Juliette a réussi à s'exprimer de façon
épanouissante. Elle a été prête à s'assumer, mais la façon dont elle
s'y est prise compte aussi pour beaucoup dans le succès de sa démarche.
Voyons comment elle a fait.
Quoi dire?
Pour qu'une
expression soit épanouissante, elle doit avant tout porter sur les
principales émotions et sur les besoins actuels les plus importants du
moment. Plus concrètement, voyons ce que Juliette à exprimé à son amie.
Elle a parlé essentiellement de la frustration de son désir d'être
écoutée. C'est ce qu'elle a identifié comme le principal obstacle à sa
relation; ce qui l'empêche d'être confortable dans sa relation avec
Lucie. Après avoir bien identifié son expérience, elle a choisi de la
faire connaître, telle quelle, à son amie, au risque que celle-ci ne
l'accepte pas.
Il aurait été tentant d'y aller de façon plus
indirecte et moins risquée. Elle aurait pu, par exemple, se contenter de
faire une allusion indirecte à son malaise en lui demandant: "Comment
te sens-tu dans notre relation?". Elle aurait pu aussi choisir de rendre
Lucie responsable de son problème en l'accusant, en la blâmant d'être
inapte à une relation.
Mais elle a choisi, au contraire, d'agir de
façon responsable par rapport à son insatisfaction en l'identifiant
correctement, en la faisant connaître à son amie et en assumant
pleinement le risque d'une telle expression. C'est en agissant ainsi,
c'est à dire en étant complètement elle-même, qu'elle peut en retirer un
effet épanouissant.
À qui le dire?
Il est parfois
soulageant et moins risqué de se laisser aller à "chialer" avec un bon
ami plutôt que de s'adresser à la bonne personne. Cependant, si on veut
s'assumer dans l'expérience qu'on vit, c'est à la personne concernée
qu'il faut s'adresser!
Comme c'est dans notre relation avec elle que
l'on est touché, c'est à elle qu'il s'agit de dire et de montrer ce
qu'on ressent. C'est par rapport à cette personne qu'il est important
d'assumer ce que l'on ressent et ce dont on a besoin.
Il n'est pas
toujours possible, cependant, de s'adresser à la personne concernée.
C'est le cas lorsque cette personne est décédée ou lorsqu'elle est dans
un état qui la rend inatteignable (comme dans certaines maladies
physiques ou mentales). Mais alors, même si elles sont inaccessibles, on
peut continuer de vivre des sentiments "inachevés" par rapport à ces
personnes. Il est alors utile de trouver d'autres situations semblables
pour travailler à se dégager de ces conflits.
1- Lorsque la personne concernée n'est pas disponible (trop loin, décédée, psychologiquement inatteignable).
On peut alors faire une expression par "simulation". C'est une
technique souvent utilisée dans le bureau du psychothérapeute (mais on
peut aussi s'en servir tout seul dans son salon). Il s'agit alors de
s'imaginer qu'on est en présence de la personne concernée, et de lui
parler comme si elle était vraiment présente.
Pour que cette méthode
soit efficace, il est important de prendre le temps d'imaginer vraiment
la personne comme si elle était présente. Il faut aussi, pour bien
réussir un tel exercice, être bien en contact avec les émotions qui sont
présentes, avec toute leur intensité. Un simple exercice intellectuel
n'est pas satisfaisant car cette expression doit être réelle, même si la
situation est en partie imaginaire. Il s'agit avant tout d'exprimer des
émotions!
Ce genre "d'expression-simulation" est un bon exercice
pour se préparer à une véritable expression avec la personne concernée.
Ça permet de se préparer graduellement afin de mieux réussir. Car
souvent les expressions importantes sont difficiles à faire et on ne
peut pas être certain de les réussir du premier coup. Il vaut mieux être
bien préparé!
Ecrire une lettre (qu'on garde pour soi ) peut aussi
être une méthode d'expression utilisable dans le cas où la personne
concernée est inatteignable. Comme l'expression-simulation, cette
méthode peut aussi servir d'exercice préparatoire avant de rencontrer la
personne à qui on veut s'adresser.
2- La difficulté de l'expression avec les proches.
Ces expressions importantes auxquelles je réfère concernent surtout les
personnes les plus importantes de notre vie comme nos proches, nos
parents, nos amis, nos amoureux. À cause de leur importance privilégiée,
le risque d'être délaissé ou même rejeté par ces personnes devient
beaucoup plus grave. Il est donc tout à fait normal de trouver ce type
d'expression plus difficile, surtout parce que nous avons l'impression
d'être démuni ou sans ressources devant ces proches. Nous leur
attribuons un pouvoir considérable sur nous. Arriver à s'affirmer
vraiment devant eux, c'est la meilleure façon de récupérer ce pouvoir.
C'est ce qui nous permet de devenir adulte, en pleine possession de nos
moyens.
Dans l'exemple des deux frères Pierre et Richard, nous avons
ici un bon exemple de comment le désir de Pierre de s'exprimer est
refoulé par la peur d'être rejeté de son père. Il semble ici, qu'il est
plus important pour Pierre d'être accepté de son père, que de se
respecter lui-même en assumant complètement les insatisfactions et les
injustices qu'il vit avec Richard.
Dans le cas de Pierre, devenir
adulte et en pleine possession de ses moyens impliquerait qu'il soit
prêt à assumer ce qu'il vit avec Richard en le lui exprimant clairement,
même au risque que son père ne soit pas d'accord. Il serait important
pour lui également d'être conscient de cette peur, et de lui faire de la
place en l'exprimant à son frère. Car cette peur fait aussi partie de
son expérience, et il se doit d'en tenir compte pour que son expression
soit complète.
3- Lorsque je réagis intensément à une personne peu importante dans ma vie.
Il existe une autre situation où il n'est pas nécessaire de s'exprimer
devant la personne concernée. Il s'agit du cas où la personne concernée
n'est pas vraiment une personne importante dans ma vie. Elle prend de
l'importance par exemple seulement parce qu'elle me rappelle fortement
une autre personne avec laquelle je suis en conflit. Dans ces
circonstances, ce n'est pas vraiment à cette personne que s'adresse mon
expression. Il est plus utile alors d'investir mon énergie auprès de la
personne qui importe vraiment, celle à laquelle je réagis en fait.
Comment le dire
Ici,
le plus important c'est d'être vraiment fidèle à mon expérience dans la
façon dont je l'exprime, dans l'insistance que j'y apporte et dans les
gestes que j'utilise. Ainsi, le ton avec lequel je m'exprime peut faire
ressortir l'importance que j'accorde à mon expérience ou peut la
dissimuler. Par exemple, même si j'arrive à dire les mots justes, mon
message ne sera pas entendu et il ne sera pas satisfaisant si je
m'exprime sur un ton neutre, comme si je parlais d'une chose anodine.
Cette expression ne sera pas utile, car elle ne traduira pas
adéquatement mon expérience réelle. Elle ne me permettra pas d'assumer
vraiment ce que je vis.
Par exemple, si Pierre avait exprimé tout
gentiment à son frère Richard, sa déception qu'il occupe son atelier
lorsqu'il en a de besoin."Tu es encore là...je pensais venir travailler
également..." Son message n'aurait pas tellement eu de poids. Mais si il
lui avait dit la même chose fermement en ajoutant: "Je ne peux plus
accepter que tu occupes mon atelier comme si tu en était encore
propriétaire! Ca me met en colère d'être ainsi brimé et non respecté
dans ma propriété!" Le ton de ce message serait sans doute plus adéquat,
pour la compréhension de Richard mais surtout pour la satisfaction de
Pierre.
Reprenons l'exemple des deux amies: si Juliette avait
simplement "fait sentir" à Lucie son désir d'être écoutée, si elle
s'était contentée d'allusions vagues comme "on sait bien, pour toi c'est
facile de parler..." et si elle l'avait fait sur un ton presque gentil,
on ne pourrait pas parler "d'expression épanouissante". Le problème,
c'est qu'en s'exprimant de façon aussi indirecte, Juliette n'assume pas
vraiment l'importance de son désir; elle n'est pas prête à montrer toute
l'importance qu'elle y accorde.
Demeurer ouvert pendant mon expression
Pour
que mon expression soit épanouissante, il est aussi important de
demeurer vivante pendant que je la fais. Je dois demeurer fidèle à ce
que je ressentais au moment où j'ai décidé de parler, mais aussi
réceptive aux nouvelles émotions qui apparaissent au fur et à mesure que
je m'exprime, et que mon interlocuteur répond. Ça demande donc une
disposition contraire à celle de la personne qui, devant une expression
importante et difficile, prend son courage à deux mains, se durcit et
"fonce" sur son interlocuteur.
Il est évidemment important d'avoir
bien identifié au préalable les aspects importants de ce que je vis dans
la situation: mes émotions et les insatisfactions en cause. Mais il est
tout aussi important de demeurer ouvert au mouvement en cours entre mon
interlocuteur et moi, pendant cette confrontation. Les réactions de mon
interlocuteur vont nécessairement changer ma perception de la situation
et ainsi influençer mon expérience émotive.
Par exemple, lorsque je
suis triste que mon conjoint ne me fasse pas de commentaire sur mon
article, ma réaction émotive sera peut-être modifiée s'il m'explique
qu'il a simplement oublié de m'en parler. Elle pourra même changer
radicalement si j'avais imaginé une raison tout à fait différente comme
son indifférence ou son opinion très négative sur mon texte.
Dans
une telle situation, si je me durcis et je reste accrochée à mon
interprétation et à ma réaction initiale, je ne m'assume plus dans la
réalité. Je ne suis plus ouverte à l'expérience qui m'habite sur le
moment, mais je persiste à défendre une position passée qui a changé
rapidement. Même si toutes les autres conditions de l'expression
épanouissante étaient respectées, je créerais quand même, par cette
fermeture, un obstacle important à la possibilité de m'assumer.
Comment vérifier l'efficacité de mon expression
Pour
évaluer sommairement le succès de mon expression, il peut être utile de
commencer par être tout simplement à l'écoute des réactions de mon
corps. Mes sensations pourraient en effet m'aider à voir plus clairement
mes émotions à la suite de cette expression.
Mais comme dans
l'interprétation des rêves, il est important ici de décoder par
nous-même le sens de nos sensations. On ne peut établir une "symbolique
universelle" qui viserait à traduire l'expérience de tous.
Par
exemple, la même sensation d'épuisement après une expression difficile
et intense pourra avoir un sens différent pour Pierre et pour Louise. Ca
pourrait être pour Louise le signe qu'elle a réussi à maîtriser chacune
des conditions de l'expression épanouissante, et en éprouve une très
grande satisfaction. Alors que pour Pierre, sa fatigue pourrait traduire
un sentiment d'échec important. Il appartient donc à chacun à décoder
le sens propre de sa sensation.
Une fois que j'ai fait cette
première vérification générale à partir de mes sensations, je peux
chercher à identifier de façon plus systématique ce qui a ou n'a pas
bien fonctionné. Il est alors utile de vérifier si j'ai bien respecté
chacune des conditions de l'expression épanouissante. J'essaierai donc
de répondre aux questions suivantes:
- "Ai-je dit ce qui était important pour moi?"
- "Ai-je respecté l'importance et l'intensité réelle de mon expérience?"
- "Suis-je demeurée ouverte pendant mon expression?"
- "Ai-je parlé à la bonne personne?"
La
vérification du contenu de l'expression est particulièrement cruciale.
Il faut bien comprendre ici que, lorsque je parle d'exprimer ce qui est
important pour moi, je réfère avant tout à ce que je ressens et non pas
simplement à dire des choses à l'autre sur ce qu'il dit et fait.
En reprenant l'exemple de Pierre et Richard, voyons comment Pierre aurait pu faire cette vérification:
- Ai-je exprimé comment ça me mettait en colère d'être si peu respecté dans ma propriété par Richard?
- Ai-je exprimé comment je me sens traité injustement lorsque Richard
me refile ses factures d'huile alors que je ne veux plus les assumer?
- Ai-je exprimé comment je crains d'être rejeté par mon père si j'ose exprimer ainsi mes insatisfactions?
Si oui, il a réussi son expression du point de vue du "Quoi exprimer".
Ca n'aurait pas été le cas s'il avait dit à Richard: " Tu es un salaud,
un exploiteur! Tu penses que c'est à moi de te faire vivre! Je ne veux
plus que tu remettes les pieds ici! Tes factures d'huile, tu es mieux de
les récupérer parce que je vais les déchirer! etc..."
Les autres
aspects de l'expression sont plus faciles à vérifier. La partie
précédente du texte devrait permettre de comprendre assez clairement
comment s'y prendre.
Conclusion
S'exprimer de façon
épanouissante, n'est pas un choix accidentel ou isolé. C'est avant tout
le choix de la personne qui souhaite vivre sa vie le plus pleinement
possible. Ça implique de demeurer ouverte à tout ce qui lui arrive et a
un impact sur elle, en tâchant de le gérer et d'en profiter de la façon
la plus satisfaisante possible.
On peut y parvenir si on est bien
décidé à se connaître profondément dans sa façon d'être et dans ses
besoins fondamentaux. Il faut aussi avoir le courage de s'autoriser à
être pleinement ce que l'on est, à ses propres yeux, comme à ceux de son
interlocuteur. Ça suppose enfin qu'on s'autorise à rechercher la
satisfaction la plus complète possible.
Cette forme d'expression
nous aide à demeurer disponibles à nos besoins et à vraiment les prendre
en charge. Par ce chemin, nous pouvons accéder à une vie de qualité
dans laquelle nous jouissons d'une liberté de plus en plus grande.